En conclusion, d’après le rapporteur, « les documents et les chiffres ont surabondamment démontré que certaines négligences ou sympathies personnelles ont joué au détriment des finances de la commune ».
La ville de Cachan aurait perdu 72 860 francs auxquels s’ajoutent 55 600 francs pour la ferronnerie.
M. MARCILLOUX demande d’engager « une instance de révision des marchés passés par la ville ». Il ajoute une responsabilité solidaire :
· « Du maire de Cachan
· Du maire-adjoint qui a signé les pièces
· Des architectes MATHON et CHOLLET qui ont une responsabilité non-atténuée dans les transactions avec les Briqueteries
· Des architectes CHAUSSAT père et fils qui n’ont pas usé de leur droit de regard et qui ont fait des propositions d’acomptes qui ont failli coûter cher à la commune. »
Le rapporteur demande que toutes les sommes dues aux architectes soient bloquées.
« Pour le surplus, il fait confiance au maire dont la bonne foi a pu être surprise, pour rembourser lui-même les sommes perçues en trop.
Fait à Cachan, le 23 décembre 1935.
Ce rapport est largement repris par le journal de Paul VAILLANT-COUTURIER, Front Rouge, qui publie aussi des caricatures du maire de Cachan.
Le président de la commission, M. PETIT, présente au conseil municipal le 26 février 1936, un contre –rapport au nom de quatre membres de la commission qui s’est divisée. M. GARINOT, élu sur la liste du maire se joint, lui, au rapporteur.
Il s’appuie essentiellement sur un rapport de l’architecte, M. BERNIER, du « service de contrôle des communes », diligenté par le préfet de la Seine.
Il établit une chronologie précise des événements. Il accuse « l’architecte communal d’avoir déclenché l’affaire ».
Puis il décrit les bagarres au sein de sa commission pour obtenir la lecture du rapport MARCILLOUX « il tient absolument à sa thèse et nous adresse « le poulet tout rôti » sous la forme d’un dossier, puis le 21 janvier 1936, il le transmet à tout le conseil municipal » sans accord ni validation de notre commission. Puis le président MARTIN cite abondamment M. BERNIER :
« J’estime que cette affaire ne repose sur aucun fondement sérieux et que c’est à juste droit que le maire est fier des conditions particulièrement intéressantes auxquelles il a traité, construit et achevé l’hôtel de ville de Cachan.
Signé : BERNIER, le 20 janvier 1936. »
Le président propose ensuite d’examiner la triple faute de l’architecte communal en reprenant les reproches qui lui ont été faits par le maire. « Il ne s’est pas occupé du chantier en régie,…. ce qui ne l’a pas empêché de toucher sa part d’honoraires ! »
Par 18 voix pour, 4 contre, 2 abstentions, le conseil municipal adopte le texte ci-dessous présenté par M. DESGUINE après l’audition des rapports.
« Estimant :
· Que l’honorabilité du maire ne saurait être mise en cause.
· Que le nombre de briques évalué correspond aux nombres de briques payées par la régie municipale.
· Que le maire ne pouvait s’adresser à d’autres fournisseurs.
· Que le manque d’énergie de l’architecte communal qui connaissait la situation des ECF est au moins à regretter.
· Que le marché relatif de la ferronnerie ne peut être critiqué ».
Le même jour, le conseil municipal procède à la réélection des membres de ses 14 commissions et comités. Pour les 3 premières : les finances, travaux, adjudication des marchés, le vote est à bulletin secret. Parmi les élus qui ont voté contre le rapport MARTIN, MM. FIQUET, GARINOT et LEMOINE sont réélus dans plusieurs commissions.
M. LEMOINE réserve son acceptation pour être membre de commissions à l’assentiment par son groupe politique, la SFIO. M. MARCILLOUX, lui, n’est élu dans aucune d’elle.
Pendant cette période de l’été 1935 à l’été 1936, la presse locale de chaque bord se déchaîne.
Le journal « Le Citoyen » du 7 mars 1936, défend le maire de Cachan. Il titre :
« Les bolchévistes émettent des
accusations répétées contre M. EYROLLES qu’ils voudraient mêler à un prétendu scandale des briques du nouvel hôtel de ville. L’organe officiel des soviets avec sa mauvaise foi coutumière a repris
2 articles des protagonistes de la faucille et du marteau….. Ainsi, une nouvelle fois les bolchévistes avec une mauvaise foi évidente qui les caractérise toujours, ont essayé d’apporter le
trouble parmi les populations laborieuses d’une commune de banlieue….de son côté M.. EYROLLES est décidé à faire toute la lumière sur certains agissements et il a adressé au procureur de la
république une plainte contre X.»
Les caricatures de « Front Rouge » accusent le maire de Cachan lors du vote du budget.
Les élections législatives du 26 avril et du 3 mai 1936 sont proches. Le Front Populaire les gagne, rassemblant environ 57 % des suffrages exprimés au premier tour et envoyant, au terme du second, un total de 386 députés sur 608, pour siéger à la Chambre des députés.
Début juin 1936, MM. LEMOINE et MARCILLOUX demandent la démission collective du conseil municipal.
Le 10 juin 1936, M. LEMOINE (SFIO) propose une résolution qui salue la victoire du Front Populaire. Trois conseillers interviennent :
M. GROS qui votera contre, M. CHOPLIN qui considère que le conseil municipal n’est pas compétent et ne prend pas part au vote, M. DESGUINE qui s’associe à la résolution présentée. Elle est adoptée par 13 voix pour, 7 voix contre et 4 abstentions.
Le 4 août 1936, le conseil approuve le décompte définitif des travaux de construction de l’hôtel de ville et du bureau de poste pour 3 820 430 francs [3].
L’affaire des briquesétait-elle un des éléments annonciateurs des changements politiques qui se préparaient en 1935?
Plus simplement, relevait-elle plutôt de rivalités entre architectes déstabilisés dans leurs habitudes par la faillite de l’entreprise chargée de construire l’hôtel de ville ?
Relève-t-elle de l’utilisation politicienne de disfonctionnements
entre les professionnels du bâtiment ?
A chacun d’entre-nous de se faire son opinion.
Marcel BREILLOT