Pendant l’année 2012, avec nos amis de plusieurs sociétés d’histoire, nous préparions l’exposition que beaucoup d’entrevous ont visitée en avril dernier. Nous avons aussi rédigé un parcours pédestre que nous avons appelé : « Flâneries à la découverte de l’aqueduc Médicis ». Celui-ci passe à Cachan par le sentier de la Fontaine couverte et « ses jardins partagés ». J’y ai photographié pour notre exposition la borne « VDP » qui y marque le passage de l’aqueduc Médicis.
[1] Cette photo dans les « jardins partagés » m’a amené à vouloir comprendre les différences entre: jardins partagés, jardins associatifs, Jardins familiaux, jardins ouvriers.
Depuis quelques années des jardins portant différents noms apparaissent un peu partout et font parler d’eux.
Si leur dénomination a évolué, il s’agit toujours de permettent à des personnes, souvent modestes, qui le souhaitent de pouvoir avoir une parcelle de terre utilisée comme potager pour y cultiver leurs légumes, y faire pousser des fleurs et même des petits arbres fruitiers. Initialement, Ils sont destinés à améliorer les conditions de vie des ouvriers en leur procurant un équilibre social et une autosubsistance alimentaire. [2]
En 2005, dans un très bel article dans nos « Chroniques »[3], Annette Le Bonhomme nous proposait l’histoire de la naissance des jardins ouvriers d’Arcueil-Cachan en 1913.
Les jardins ouvriers ont déjà une longue histoire, cette idée ancienne a été élaborée en Angleterre pendant les guerres napoléoniennes où l’on proposait aux ouvriers des« allotments[4] ». Elle fut aussi favorisée par un médecin, le docteur Schreber en Allemagne. Il souhaitait « éduquer la population » et « améliorer la santé publique ».
A la fin du XIXème siècle, un prêtre, l’abbé Lemire, par ailleurs, député[5] influent imagine « les jardins ouvriers ».
Il créée le 21 Octobre 1896, la Ligue Française du Coin de Terre et du Foyer.
Il souhaite que « les ouvriers s’échappent de leur taudis en profitant d’un air plus respirable…. Qu’ils s’éloignent des cabarets et aient des activités familiales dans ces espaces verts »
En 1904, il existait 48 jardins ouvriers en région parisienne.
Certains membres de la municipalité d’Arcueil-Cachan autour d’Eugène Givort souhaitaient aussi se lancer dans l’aventure. « Il s’agit de récupérer des terrains incultes, abandonnés, de les distribuer aux familles volontaires susceptibles de les mettre en valeurs »[6]
En 1913, « il y a 1515 jardins ouvriers dont la moitié se trouve dans nos banlieues ».
Par ailleurs, à Arcueil-Cachan, « L’abbé Lemire, avait des vues sur un terrain. Il s’était mis en relations avec l’assistance Publique qui le possédait au pied du pont-aqueduc sur l’ancien lit de la Bièvre qui avait été canalisée et enterrée peu d’années plus tôt.
« Le directeur de l’assistance publique met les deux parties en relation, l’abbé Lemire et la commune. L’entente est cordiale et l’on se met d’accord pour moitié-moitié »[7]
Le terrain occupé par ces deux jardins ouvriers se situait entre l’actuelle avenue Cousin de Méricourt et la rue des Tournelles. C’est une petite partie du domaine du Fief des Arcs et d’Anjou. La rue du Fief des Arcs n’était pas encore créée. L’ancien lit de la Bièvre n’avait pas été pas comblé.
Les Jardins ouvriers vu de la rue des Tournelles
Ce domaine a très une longue histoire : En 1757, la famille Donjat, qui possédait celui-ci depuis deux siècles, cède « sa propriété des Arcs » à l’orfèvre René Delinthe.
La fille de ce dernier, Anaclette Julie Delinthe qui en hérite avant la révolution de 1789 doit par ailleurs en être adjudicataire le 12 mai 1790.
Elle a épousé, un peu avant la révolution, Jean Élisabeth Barthélémy Cousin de Méricourt, caissier chez le trésorier des États de Bourgogne. Mr Cousin de Méricourt est guillotiné[8] en 1794.
Sa propriété revient à sa fille, Anaclette Elizabeth Cousin de Méricourt qui épouse Monsieur Besson.
Leur fille, Palmyre Anaclette Besson en hérite a son tour, elle se retrouve veuve de Monsieur de Provigny après six mois de mariage.
Le 22 mai 1908, cette propriété est léguée, par Madame Palmyre Anaclette de Provigny, à l’Assistance Publique qui en accepte le legs.
Après avoir ouvert en 1914 la maison de retraite Cousin de Méricourt, le 30 juillet 1923[9], l’assistance publique obtient l’autorisation du préfet de la Seine, de céder la partie du terrain occupée depuis 1913 par les jardins ouvriers à Messieurs Lorin et Parenty représentant la Société Parisienne d’Habitation.
A partir de 1926, cette société vend le terrain en lotissement pour construire des pavillons.
La rue du Fief des Arcs vient d’être créée.
Les jardins ont disparu en octobre 1923.
Les documents qui nous ont été transmis par l'association Mémoire de l'abbé Lemire [10] sur la période
d’existence de ces jardins à Arcueil-Cachan nous parlent de ceux qui ont été géré par son association..
« J’ai consulté aujourd'hui les bulletins de la Ligue du Coin de terre et du foyer à la recherche d'informations sur les jardins ouvriers d'Arcueil.
Dans le bulletin de mai-juin 1914, il est fait état de la création toute récente de ces jardins.
Quelques pages plus loin, un tableau des jardins ouvriers de la région parisienne mentionne également Arcueil
Idem dans le compte-rendu de l'assemblée générale de la Société des Jardins ouvriers de Paris et banlieue tenue le 13 juin 1914, où quelques lignes évoquent la vie de la section locale. »
L’abbé Lemire en visite à Arcueil-Cachan en 1914
« La fête des jardins d'Arcueil-Cachan, qui a fait l'objet de plusieurs cartes postales, a eu lieu à la fin du mois de juin 1914 mais n'a pas bénéficié d'un compte-rendu dans le bulletin de la Ligue du Coin de terre et du foyer, le numéro prévu pour la fin de l'été étant annulé pour cause d'entrée en guerre.»
« Le bulletin suivant paraît en 1918 et contient une mention de cette fête
Dans le compte-rendu du congrès des Jardins ouvriers de 1920, il est encore rappelé que les jardins d'Arcueil ont été fondés en 1913 et qu'ils comprennent 66 parcelles faisant chacune 100 mètres carrés »
Fête de jardins Ouvriers de Cachan le 1er juillet 1923
Chaque année, une fête est organisée pour chaque Jardin, des cartes postales représentantes celles d’Arcueil-Cachan.
Ces fêtes des jardins étaient, (aujourd’hui nous dirions « médiatisées »), ainsi le 27 juillet 1913 le Président de la République Poincaré visitait les jardins ouvriers d'Ivry avec l’Abbé Lemire. Les journaux, le cinéma, faisaient la promotion de leur initiateurs. Au même moment, d’autres acteurs les rapprochaient « des politiques très paternalistes du patronat à l’égard de leurs ouvriers » et en faisaient la critique.
Les archives de l’association « Mémoire de l’abbé Lemire » ne mentionnent pas les autres jardins dont « l’Œuvre populaire des Jardins Ouvriers d’Arcueil-Cachan » présidée par Eugène Givort. Jardins Ouvriers auxquels Erick Satie à participé pendant plusieurs années.
«Les derniers jardins ouvriers de Cachan, ceux du Moulin de Cachan, disparaitront dans les années 60, libérant la place pour la construction de HLM.»[11]
La mémoire des Jardins ouvriers d’Arcueil-Cachan n’est pas perdue. Un de mes voisins me racontait, il y a quelques années, comment les habitants du quartier du Fief des Arcs avaient recréé un jardin collectif pendant la guerre 39/45 à l’angle de l’avenue Cousin de Méricourt et la rue du Fief des Arcs pour palier aux restrictions pendant la guerre1939/45.
L’aspect philanthropique des jardins a beaucoup évolué.
Ainsi les Jardins Partagés de Paris se définissent comme étant : « un espace vert cultivé et animé par les habitants. Un lieu de vie ouvert sur le quartier qui favorise les rencontres entre générations et entre cultures. Géré par des riverains regroupés en association, il facilite les relations entre les différents lieux de vie de l'arrondissement : écoles, maisons de retraite, hôpitaux… »[12]
Aujourd’hui, nous trouvons des jardins collectifs (familiaux ou partagés) dans chacune des communes du Val de Bièvre, dans certaines, comme Villejuif, il y en a plusieurs.
Sur Arcueil et Cachan, nous avons des Jardins Partagés et d’autres projets existent.
Marcel BREILLOT
[1] VDP : Ville de Paris, ces bornes marquent le parcours de l’aqueduc Médicis
[2] Lorsque j’étais enfant, mon père ouvrier dans une laiterie aimait après sa journée de travail, nous emmener avec lui sur le jardin ouvrier où il cultivait nos légumes familiaux.
[3] Les Chroniques du Val de Bièvre, n° 46 &47, « Lutte contre la vie chère à Arcueil-Cachan » d’Annette Le Bonhomme.
[4]« Parcelle de terre » http://fr.wikipedia.org/wiki/Jardins_familiaux
[5] L’abbé Lemire est réélu à chaque élection législative de 1895 à 1914, il est également maire d'Hazebrouck en 1914.
[6] Idem 2
[7] Idem 2
[8] Chronique du Val de Bièvre N° 67 l’avenue Cousin de Méricourt
[9] Rappellons ici que la commune de Cachan existe depuis le 26/12/1922.
[10] Pour l'association Mémoire de l'abbé Lemire, , 6, rue Biebuyck, 59190 Hazebrouck, Jean-Pascal Vanhove.
[11] Idem 2, Pour en savoir plus, lire les articles de Annette Le Bonhomme.
[12] http://jardinons-ensemble.org/