Les attaques de cette campagne ne sont que les prémices de ce qui va arriver au cours du mois de juin 1935. Rappelons ici que l’hôtel de ville qui vient d’être inauguré est l’aboutissement d’une déjà longue démarche.
C’est le 28 mai 1930 que le choix du terrain pour son implantation a été fait entre quatre propositions dont deux se trouvaient avenue Carnot.
Dès 1931, un article dans le journal Le Moniteur, évoque des contestations quant au choix de l’emplacement car on ampute le parc Raspail de son allée des Tilleuls[1].
Le projet a été adopté le 22 novembre 1932 avec un projet d’emprunt de 4 092 000 francs remboursable en 30 ans, le 27 décembre de la même année.
Jean-Baptiste MATHON et Joannès CHOLLET sont choisis comme architectes. René et Yves CHAUSSAT leur sont associés comme architectes municipaux.
Les adjudications sont votées le 29 juillet 1933. C’est la Société d’Entreprises Centrales Françaises (ECF) qui remporte le marché du terrassement et de l’ensemble de la maçonnerie.
Au départ les travaux vont bon train, cela jusqu’en mai 1934.
Pourtant le 17 mai 1934, Jean-Baptiste MATHON refuse un lot de briques fourni par la « Briqueterie de Champigny ». Il y a trop de briques défectueuses. Le 24 mai René CHAUSSAT propose à ses collègues et au maire de régler un acompte de 100 000 francs aux ECF. MATHON&CHOLLET refusent de le signer en arguant qu’il est largement surévalué.
Le 25 mai 1934, les travaux sont abandonnés. Le 28, les ECF sont déclarées en faillite. Les ouvriers ne sont pas payés.
Le maire devant cette situation de crise demande au préfet de la Seine l’autorisation de terminer les travaux en régie directe. Il propose d’embaucher les cadres d’ECF : M. LETALLEC, ingénieur, et son chef de chantier, M. SOUCHAL, ainsi que tous les ouvriers. Le préfet donne son accord le 4 juin 1934.
Les travaux reprennent, l’hôtel de ville de Cachan se terminera à un bon rythme de travail.
L’affaire des briques ?
Toutes les parties semblent s’accorder pour dire qu’elle a été déclenchée par un courrier rendu public de l’architecte municipal, René CHAUSSAT, adressé à Léon EYROLLES, maire de Cachan.
L’architecte menace le maire de dévoiler le « scandale de l’hôtel de ville ». Il indique « qu’à la faillite de l’entreprise ECF et lors de la reprise du chantier en régie directe, il existait un stock de briques de la « Briqueterie de Champigny » d’environ 40 000 unités d’une valeur de 200 000 francs. Il porte des accusations de disparition de ce lot de briques.
Ce courrier déclenche la création d’une commission d’enquête au sein du conseil municipal en date du 27 juin 1935, soit 40 jours après les élections municipales.
Sont désignés par le conseil municipal sept élus qui vont composer cette commission.
M. MARTIN de la liste « d’Union Républicaine » est élu président, M. MARCILLOUX, leader SFIO, revendique et obtient la fonction de rapporteur.
Dès sa désignation, il va mener bon train l’enquête de la commission. Des auditions ont lieu lors des sept séances du 4 juillet au 12 décembre 1935. Les premiers auditionnés sont MM. CHAUSSAT et EYROLLES.
L’architecte municipal affirme que pour soustraire le stock de briques à l’inventaire de la faillite des ECF et à ses créanciers, ses confrères MATHON & CHOLLET auraient
« refusé ce lot livré » par les briqueteries et ensuite fait constater par le représentant du syndic qu’il n’existait aucun matériau
pouvant être utilisé sur le chantier à la suite de la faillite.
Les architectes mis en cause par leur confrère, déclarent « que ces allégations sont fausses ». Ils fournissent des correspondances indiquant leur refus des briques qui remonte aux 18 et 22 mai 1934, bien avant la déclaration de la faillite.
Pendant cette première période d’enquête, le journal « le Moniteur » publie une fausse lettre de M. MARCILLOUX (SFIO) à son « confrère et grand ami CHAUSSAT, président des Croix de Feu[2] de Cachan[3]…… »
« En attendant tes félicitations qui ne sauraient tarder, je m’empresse de te remercier de tout cœur pour ta campagne si active….. Grâce à vous me voici à la mairie où demain règnera le communisme …. »[4]
Lors de sa première audition, Léon EYROLLES proteste vivement contre les allégations de son architecte communal et rappelle les manquements professionnels de ce dernier :
· « Avoir établi un état erroné de la situation.
· Avoir gardé par devers lui la situation de l’entreprise ECF en faillite.
· Avoir énoncé dans sa déposition que le maire avait prélevé 33 840 francs sur le mandat à ECF pour faire la paie des ouvriers. »
M. MARCILLOUX, à la suite des auditions contradictoires, rédige un long rapport tendant à démontrer « ce que l’on appelle le scandale des briques de l’hôtel de ville » sur deux points :
· La fourniture et les prix des briques par les Briqueteries de Champigny.
· L’attribution du marché de ferronnerie traité de gré à gré.
Il va jusqu’à signaler dans son écrit que « les briqueteries de Champigny livraient aussi des centaines de milles des mêmes briques de même qualité à l’ESTP, Boulevard Saint-Germain à Paris dont M. EYROLLES est le président et que le chantier est aussi conduit par Mrs MATHON & CHOLLET. » Cela, sans en tirer de conclusion particulière, mais il introduit là une suspicion importante de malversation dans son rapport.
Le rapport MARCILLOUX comporte de très nombreux tableaux de chiffres sur le nombre de briques et sur les prix de celles-ci. Il affirme que les Briqueteries de Champigny devraient rembourser à la commune 72 860 francs de trop payé.
[1] Le Moniteur du 25 juillet 1931.
[2] L'association des Croix-de-Feu ou Association des combattants de l'avant et des blessés de guerre cités pour action d'éclat (1927-1936) était une ligue d'anciens combattants nationalistes français, dirigée par le colonel François de La Rocque. Elle est dissoute en 1936, donnant naissance au Parti social français (1936-1940), plus grand parti de masse de la droite française.
[3] Le Moniteur du 6 juillet 1935, Archives du Val-de-Marne
[4] Rappelons que M. Marcilloux est socialiste SFIO.