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19 avril 2012 4 19 /04 /avril /2012 10:17

Les blanchisseurs  et la guerre de 1939/45

 

 

 

Dès l’année 1900, les 150 blanchisseurs d’Arcueil-Cachan, dont 120 de notre commune, se sont organisés en syndicat patronal. Les statuts de celui-ci ont été déposés à la préfecture de la Seine le 4 juin 1900.

Ensuite, ils sont modifiés le 23 juillet 1937, lors d’une Assemblée Générale (AG) qui a lieu en mairie de Cachan où sont présents 33 membres adhérents.

 

Ils prévoient que le syndicat « ne comprend que des blanchisseurs traitant le blanchissage du linge pour autrui et la location du linge ».

L’assemblée a alors élu un conseil d’administration de 12 membres.

Le lendemain, 24 juillet, un nouveau bureau est élu avec :

M. Bertin, président, de l’Haÿ-les- Roses ; M. Lainé, vice-président ; M. Scheffer, secrétaire ; M. Lesueur, trésorier ; ils sont tous les trois de Cachan.

Le cahier des délibérations du syndicat,[1] tenu par les secrétaires successifs, comprend les années de 1937 à 1957.

Selon les années et le secrétaire en fonction, les comptes rendus sont plus ou moins importants.

Ils permettent de comprendre l’activité du syndicat ou, en tout cas, de lire la trace de ce que le secrétaire pensait devoir laisser dans ses comptes rendus. C’est donc un document très intéressant.


Pour resituer l’activité du syndicat dans son contexte, j’évoquerai aussi quelques événements de notre histoire nationale ou locale pendant cette période.

 

Cela portera essentiellement sur  la période 1939-1948, soit celle de la guerre, puis du gouvernement provisoire et enfin de la IVème république.

De 1937 à 1943, le syndicat organise une assemblée générale par an puis son conseil d’administration (CA) se réuni une à deux fois dans l’année.

De 1937 à 1939, il est surtout question des revendications ouvrières telles que les demandes d’augmentation des salaires des ouvriers ou les modifications de la convention collective et comment y faire face.

Par ailleurs, le 26 février 1938, le CA organise son assemblée générale à venir.

Une demande a été faite à M. Eyrolles, maire de Cachan, pour avoir la possibilité de la faire en mairie. Le CA trouve le prix de la location de la salle de la mairie assez élevé.

Une démarche sera faite « pour obtenir si possible un adoucissement du tarif municipal ». M. Philippe se propose de voir le maire à ce sujet.

 

Le 1er avril 1938, il est décidé d’ajourner le projet de bal des blanchisseurs car « les résultats financiers sont trop incertains ».

 

Le 6 mai 1938, les membres du CA sont informés du projet de banquet du syndicat des blanchisseurs à l’hôtel Lutétia.

« Le prix de la carte d’entrée est de 55 francs. Il est décidé de joindre à l’invitation une brochure sur l’origine des blanchisseurs à Cachan qui a été éditée par - Les Amis du Vieil Arcueil -[2]. » Elle est vendue 3,50 F. [3] 

Début 1939, est envisagée la participation à une « mutuelle décès » pour les patrons adhérents.

 

Les blanchisseurs pendant la guerre.

En septembre 1939, Hitler envahit la Pologne. La guerre est déclarée le 3 septembre.

 Devant le conseil d’administration du syndicat du 23 décembre 1939,  le président Bertin fait un exposé sur « la situation des blanchisseries depuis le début de la guerre avec l’Allemagne. Il y a environ 20 de nos adhérents qui sont mobilisés, et à part quelques établissements fermés, les femmes continuent l’exploitation de leur commerce malgré toutes sortes de difficultés. »

Le conseil d’administration décide qu’il ne sera pas réclamé de cotisation aux femmes de ses membres mobilisés et il charge son trésorier « d’adresser à tous nos collègues mobilisés un mandat de 30F».

 En avril 1940, « devant le nombre important de blanchisseurs rappelés sous les drapeaux, l’assemblée décide de surseoir à tout  envoi afin de ne pas créer des difficultés de trésorerie ».

Le gouvernement dirigé par le maréchal Pétain, modifie autoritairement les institutions et décide le 16 novembre 1940 que les maires seront nommés par les préfets dans les communes de plus de 2000 habitants. Pour Cachan, le 19 juillet 1940, M. Eyrolles est d’abord désigné président de la délégation spéciale par le préfet.  Il est maire de Cachan depuis 1929. M. Tayart est désigné comme vice-président.

 Aucune réunion du syndicat des blanchisseurs n’est retranscrite dans le registre pour l’année 1941.

 

Puis, M. Eyrolles est « désigné » comme maire, le 9 mai 1941, par arrêté ministériel. Messieurs Tayart, Melun, Appert, Alesandrini sont « nommés » adjoints au maire par arrêté préfectoral.

 

Pour le syndicat, à partir de 1942, il y a deux assemblées générales par an. Elles ont lieu en mairie de Cachan.

En 1944,  il y a six réunions générales des membres. Elles seront encore plus nombreuses en 1946/47 (dix en 1947).

Le plus souvent, elles ont lieu dans le café Charrial, place Gambetta.

Le syndicat tente de gérer la pénurie pendant cinq années particulièrement difficiles, de 1942 à 1947.

 

Lors de l’assemblée générale du 10 mai 1942, 51 blanchisseurs sont présents. Après avoir souligné que « la collecte  pour les blanchisseurs sinistrés par les bombardements[4] de Boulogne Billancourt a produit 2 055 francs », le président Bertin distribue les bons d’amidon qu’il a reçus et donne des indications pour l’obtention des bons d’huile.

 

Au cours du conseil du 14 mai 1942, une démarche est décidée auprès du maire de Cachan afin que la carte T de rationnement[5], délivrée aux patrons de blanchisseries « ne leur soit pas enlevée comme il en a été question ».

L’assemblée générale en date du 15 novembre 1942 marque l’accentuation du rôle du syndicat dans la gestion de la pénurie. L’ordre du jour comprend la question des raccordements électriques, la nouvelle répartition du charbon basée sur le chiffre d’affaire du 1er trimestre 1942, La distribution du carbonate de soude Solvay[6] : « Il n’est distribué que 20 grammes de Solvay par kilo de linge sec alors qu’il en faudrait 35 grammes, l’attribution de gaz faite au voitures fonctionnant au gaz de ville, « Il faut établir un plan de groupage des livraisons du linge dans notre syndicat. Le maire de Cachan est habilité pour obliger les camionnages. Les voitures sont pour tous au prix de 55 francs de l’heure pour les transports au gaz de ville ».

 Des bons d’achats  de sabots en caoutchouc sont disponibles au COBTEN (organisation régionale du syndicat). Par ailleurs, il est constaté que la collecte des tickets de savon des clients devient de plus en plus difficile. Ces tickets donnent seulement droit au blanchissage de 3,5 kg de linge à blanchir par mois et par personne alors qu’il faudrait environ 20 kg, selon les blanchisseurs.

Le président Bertin rappelle aussi aux adhérents « qu’en aucun cas, ils ne doivent augmenter leurs prix, même sous forme de frais de transport, sous peine de sanctions très sévères ».

Le CA du 30 mai 1943 charge son secrétaire de répondre à la lettre de M. Tayart, maire-adjoint et délégué de « la famille du prisonnier » qui demande au syndicat la fourniture de linge pour les prisonniers rapatriés. Le syndicat ne peut que faire un don de 1000 F.

Il fait aussi un nouveau don de 2000 F. pour ses collègues de Boulogne-Billancourt.

 

Lors de l’assemblée générale du 8 août 1943,  le président fait la lecture de plusieurs circulaires nouvelles concernant les produits actifs sulfurés, la nouvelle répartition du bois de feu à usage industriel, la répartition de la clientèle des blanchisseries sinistrées, le service de travail obligatoire (STO), la délivrance de certificats attestant le classement des blanchisseries comme étant prioritaires pour la main-d’œuvre.

Ensuite, le président Bertin fait la distribution des bons de carbonate de soude Solvay.

 

Le 19 mars 1944 le conseil examine une lettre du maire de Cachan concernant « l’Œuvre du livret du prisonnier ». Le CA décide de souscrire un livret de 1000 F. pour chaque patron ou ouvrier blanchisseur qui est  prisonnier.

 

Il décide de vendre les quatre obligations qu’il possède  pour couvrir cette dépense.

Le président constate que plusieurs blanchisseries sont fermées temporairement par manque de charbon.

 Le 3 juin 1944 le gouvernement provisoire du Général De Gaulle est installé.

Le 19 août est marqué par l’insurrection de la Résistance à Cachan, puis la libération de la mairie.

Le 17 septembre 1944, une assemblée générale est convoquée. Sont présentes 70 personnes. Le compte  rendu du secrétaire nous rapporte « un début de réunion assez confus ». Ensuite, M. Lazardeux, « trouve dans un moment de calme le moyen d’exposer l’ordre du jour » dans lequel  doit s’effectuer l’élection du conseil d’administration. « 5 membres sur 12 doivent faire partie de la Résistance. » Le secrétaire ne mentionne pas qui a institué cette nouvelle règle sur la participation de la Résistance.

Ilnote ensuite « qu’il y a peu d’empressement pour prendre ces fonctions  d’administrateurs du syndicat. »

Le président Bertin exprime sa ferme intention d’abandonner son poste qu’il occupe depuis 1937.

Finalement le scrutin a lieu, 20 candidats recueillent entre  44 et 7 voix. Avec monsieur Lazardeux, M. Bagot recueille 44 voix. Il remercie l’assemblée de la confiance  qui lui est témoignée et surtout « il remercie au nom de la Résistance quelques personnes présentes », le secrétaire du syndicat ne mentionne pas les noms des personnes concernées. M. Lazardeux exprime les mêmes sentiments que M. Bagot et « assure l’assemblée qu’il fera tout ce qui est possible pour contribuer à la cause des blanchisseries ».

Le scrutin ayant occupé l’essentiel du temps de cette assemblée, la question des nouvelles revendications ouvrières sur les salaires est traitée « Mais cela  brièvement et officieusement ».

Un conseil d’administration est organisé aussitôt pour élire le bureau du syndicat. M. Bagot fait ressortir les mérites de M. Lazardeux et ce dernier fait l’éloge de M. Bagot. « Mais cela s’arrange rapidement » écritle secrétaire. Quel est le sens de cette remarque ? Je laisse chaque lecteur à son interprétation.

Puis M. Bagot décline la présidence « ayant déjà une charge écrasante au sein de la Résistance et à l’organisation de la mairie ».

Il est vrai que M. Bagot est membre du « Comité local de libération ».

 Finalement le bureau est élu : le président est M. Lazardeux ; M. Bagot, vice-président ; M. Bertin, trésorier ; M. Deleplanque, secrétaire.  M. Bagot signale que plusieurs blanchisseurs qui n’ont pas ré-ouvert leur blanchisserie, continuent à toucher leur attribution. Ils s’exposent, en cas de non réouverture immédiate,  à se voir retirer leurs attributions  surtout pour le charbon dont les arrivages sont de plus en plus rares. Il est même question de supprimer les attributions de décembre.

La veille de noël 1944, une assemblée est de nouveau convoquée. Monsieur Lazardeux quitte la présidence trois mois après avoir été élu pour trois raisons principales :

« 

- Des raisons de santé.

 

- Des contacts assez durs avec les organismes de la corporation.

 

- Parce qu’il n’est pas assez soutenu par ses collègues. »

 

« Sa place de Résistant le mettait à même d’aller plus loin qu’un autre dans la défense des blanchisseurs ».

 

« Une petite crise locale est ouverte » selon le secrétaire.

 

Le 30 décembre 1944 Monsieur Bagot accepte finalement d’être président. « Cela malgré ses charges écrasantes à la municipalité et au conseil de la Résistance. »

Il convoque une nouvelle AG le 21 janvier 1945.

Sont présents 50 membres du syndicat. Il fait d’abord un exposé sur la situation militaire « qui seule doit compter avant les intérêts particuliers. Devant de tels faits, chacun comprend les renseignements fournis au sujet du charbon. » Le président peut dire qu’  « un mouvement de résistance en blanchisserie est formé ce jour   là ».

 

La fin de la guerre est proche. Pour le syndicat, c’est le début d’une longue période de tentatives de gestion des pénuries. Ainsi, lors de cette réunion, les blanchisseurs s’organisent pour obtenir ensemble des bons d’essence et pouvoir assurer le transport du linge.

Le 8 mai 1945, l’armistice est signé. La guerre est finie, mais pas les rationnements ou la pénurie des approvisionnements et fournitures indispensables au bon fonctionnement des blanchisseries.

 

A suivre          

 Marcel  BREILLOT

 

[1] Registre du syndicat des blanchisseurs, archives municipales de Cachan.

[2] L-L Veyssière, Blanchisseurs et blanchisseries d’Arcueil-Cachan, 1938. 

[3] Collection de l’auteur.

[4] Les usines Renault ont été bombardées par la RAF le 3 mars 1942. Plusieurs blanchisseries ont été touchées.

[5] La carte T est distribuée aux consommateurs de 14 à 70 ans se livrant à des travaux de force.

[6] Selon Jean-Baptiste Dumas « Les fabriques de soude, fondées sur l’emploi du procédé de Nicolas Leblanc ont constitué les véritables écoles pratiques de l’industrie chimique moderne. »   Dès le début du XIXe siècle, la seule région parisienne produisait 22 tonnes de soude artificielle par jour.
Le  procédé Leblanc sera détrôné, à partir de 1870 par le procédé à l’ammoniac d’Ernest Solvay (1838 – 1922) présentant des avantages économiques essentiels.

Ces « Cristaux de soude » étaient en bonne place dans les cuisines de nos grands-mères pour la vaisselle, les lessives et tous autres nettoyages.

 

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