« ………Dans ses premiers emplois connus, le mot fief désigne un bien meuble. féodale
Le bénéfice fut d’abord souvent un don en toute propriété. Mais comme il rétribuait un dévouement dont chacun pensait qu’il devait se prolonger après la remise de la récompense, le donateur se réserva le droit de reprendre le bien concédé si le service, dont sa libéralité constituait le salaire, cessait d’être accompli, par suite de la mort ou du défaut du bénéficiaire.
Le fief devint donc la simple concession d’une jouissance, subordonnée au respect de certaines obligations. Le seigneur et le feudataire possèdent l’un et l’autre des droits sur ce bien. C’est une tenure qui diffère de celles des tenures attribuées à des exploitants paysans, en ce qu’elle est gratuite, non soumise à des charges matérielles. Le tenancier en perçoit tous les profits qui représentent le prix de sa fidélité et de sa diligence. Le fief est la rétribution d’une fonction.
La concession féodale fut d’un usage très répandu dans cette société rurale où l’argent était rare. Dans les grandes maisons seigneuriales, des fiefs furent ainsi accordés aux serviteurs spécialisés, qui n’étaient pas entièrement entretenus par le maître, à des prêtres, à des artisans, à des cuisiniers, aux régisseurs des domaines. Mais la tenure féodale servit principalement à solder le dévouement du vassal, lorsque celui-ci quittait la domesticité de son seigneur.
Après l’an mille, l’investiture d’un fief suivit généralement la prestation de l’hommage. Fort de son droit éminent, le seigneur, par la menace de la confiscation, pouvait maintenir son feudataire dans le respect de l’engagement pris, tout en lui laissant le loisir de mener, dans sa maison, une existence autonome.
Il existait des tenures féodales de toutes tailles : le duché de Bourgogne était un fief de la couronne de France, mais d’autres consistaient en une église, une simple exploitation paysanne, une fraction de redevance. Beaucoup d’entre eux étaient de véritables cadeaux prélevés sur la fortune du seigneur. D’autres, les fiefs « de reprise », étaient au contraire d’anciennes propriétés personnelles du feudataire, dont celui-ci, entrant en vasselage, avait cédé à son patron la seigneurie éminente. Le statut féodal fut celui d’un grand nombre de terres – de la majorité, sinon de la totalité d’entre elles, dans certaines régions comme l’Angleterre ou la Normandie.
Le droit du fief
L’investiture de la tenure féodale introduisait celle-ci dans le patrimoine du feudataire. Tant que ce dernier s’acquittait convenablement du service, le seigneur ne pouvait le priver de son droit, sauf en le lui rachetant. La force des liens de parenté lui interdit rapidement, et surtout lorsqu’il s’agissait d’un fief de reprise, de reprendre le bien pour lui-même à la mort de son détenteur et même d’en disposer librement. Dès le XIe siècle, en France, la coutume l’obligeait à laisser l’héritier naturel « relever » le fief. Il ne pouvait donc récupérer l’entière possession de la terre que si la lignée du feudataire s’éteignait. Toutefois, la transmission successorale était subordonnée à la prestation de l’hommage, et l’usage reconnut peu à peu au seigneur le droit de percevoir à cette occasion une taxe, le « relief ». Enfin, si l’héritier n’était pas capable de servir le fief, le seigneur pouvait en assurer temporairement la garde ou confier celle-ci à un « baillistre ».
Si l’on admit le principe de l’hérédité, il resta que le fief ne pouvait pas être divisé entre les héritiers : un seul, généralement l’aîné, était admis à le relever. Toutefois, comme il n’était pas décent qu’il laissât ses cadets dans le dénuement, dans certaines coutumes régionales s’introduisit la pratique du « parage » : le seigneur recevait l’hommage de l’aîné seul ; les cadets tenaient de ce dernier la part du fief qui leur était attribuée……… »